Apprendre le grec

APPRENDRE LE GREC SUR LA COTE D’AZUR, DANS LE SUD DE LA FRANCE

Aussi étrange qu’il paraisse, le sud de la France, et surtout la Côte d’Azur en allant jusqu’à Monaco, est imprégné d’un caractère grec qui frappe le visiteur, dans les sites naturels tout comme dans les toponymes qui comportent des termes grecs. Des toponymes comme Nice, Monaco témoignent de l’influence grecque dans la région associée à la présence active des Grecs qui s’y sont installés comme les authentiques successeurs de leurs ancêtres Phocéens.

Dans un tel environnement culturel, on se devait de préserver la conscience nationale, l’enseignement de la langue grecque et la proximité avec tous les aspects de la culture grecque allant parfaitement dans ce sens.

Il y a plusieurs années, l’Ecole Grecque de Nice-Cannes-Monaco a commencé à assumer cette tâche. Les enseignants, en transmettant leurs connaissances et leur passion pour la grandeur de la Grèce aux descendants de Grecs toujours plus nombreux et aux Français de souche, sont les ambassadeurs infatigables de l’Hellénisme. C’est une considération particulière que mérite l’indéfectible présence depuis 24 ans, de l’un des enseignants, l’Archiprêtre Michel Séliniotakis : en plus de son rôle d’enseignant, il assume la fonction de prêtre à l’église Saint Spyridon de Nice, renforçant et préservant l’identité religieuse des Grecs qui vivent dans la région.

En tant que deuxième enseignante à l’Ecole Grecque, je  suis fière de rendre hommage au travail accompli et je dois souligner le soutien sans faille des parents qui incitent leurs enfants à aller à l’Ecole. La constante augmentation du nombre des élèves a fait s’étendre l’Ecole à Cannes et Monaco, afin de faciliter la vie aux familles des lieux précédemment  cités. Ces enfants sont issus de familles dont soit les deux parents sont Grecs, soit un des parents est Grec, et l’autre Français .Leur formation de base se fait en Français et le programme horaire assez contraignant se poursuit jusqu’en début d’après-midi. Je trouve remarquables dans ces conditions, leurs efforts pour venir à l’Ecole tous les mercredis et samedis et « se surcharger » d’une journée de cours supplémentaire par rapport à leurs condisciples, mais également le sacrifice des  parents qui renoncent à leur samedi afin que leurs enfants ne soient pas privés de leur cours.

Cependant je ressens une grande joie  à voir  les enfants de l’école primaire ou du collège nous dire « bonjour » dans un large sourire, avec la douceur et l’innocence de leur jeunesse, et attendre d’apprendre quelque chose de nouveau avec impatience .Equipés de leurs crayons de couleur et de leurs cahiers, ils sont impatients de nous monter leurs travaux et d’être récompensés pour ce qu’ils ont produit, toujours sous nos encouragements. C’est en même temps pour nous, enseignants, une rude tâche que de réussir en 4-5 heures à les familiariser avec la langue grecque, l’histoire, la géographie du pays, les chansons, les coutumes et tout ce qui pourra emplir leur âme et leur cœur de la  « merveille » grecque. Ils ouvrent de grands yeux devant les livres spécialement conçus pour les élèves de l’étranger, écrivent et lisent le Grec et nous leur demandons toujours de parler Grec. Grâce à l’utilisation d’ordinateurs dont dispose l’Ecole Grecque, le travail pédagogique s’avère plus intéressant : en naviguant sur la toile ces élèves consultent des sites particuliers avec expositions de musées grecs  et incitent leurs parents à aller les voir de près quand ils visitent la Grèce. En même temps, l’apprentissage de la langue se fait plus attrayant puisque l’enseignement est davantage systématisé grâce à un programme éducatif électronique précis, et ainsi les enfants se familiarisent par des images et des sons à la richesse du Grec et s’en imprègnent d’une agréable manière. Les élèves plus âgés élaborent des programmes pédagogiques dans le cadre de la coopération Européenne, tout en venant au contact d’autres écoles grecques qui nous ont honorés de leur présence. Les enfants du collège et du lycée sont incités à participer aux épreuves sur la connaissance du Grec du Ministère de l’Education, organisées par l’Université d’Aix-en-Provence, qui leur offrent la possibilité un diplôme reconnu de connaissance du Grec, ce qui rend ainsi son apprentissage motivant ; l’obtention de ce diplôme, à chaque niveau, récompense les efforts des élèves, ceux des parents et ceux de leurs maîtres.

La présence des élèves aux fêtes organisées par l’Ecole pour le 28 octobre et le 25 mars est particulièrement émouvante : ils y portent les costumes traditionnels et à côté du drapeau grec récitent fièrement des poèmes, jouent des représentations théâtrales, chantent, font l’orgueil de leurs parents et de leurs maîtres. Ils demandent toujours à apprendre ces périodes, mais aussi chaque événement historique et ils  confirment ainsi pourquoi c’est un privilège d’être Grec dans son âme et sa conscience. Ils invitent à toutes ces manifestations leurs condisciples Français qui, impressionnés, veulent connaître la culture grecque et «  le parfum de la Grèce » se diffuse partout.

Je vais maintenant m’arrêter avec respect et fierté sur les autres élèves de l’Ecole Grecque qui ont voulu participer à la culture grecque, charmés par son parfum. Un grand nombre d’élèves adultes se pressent aux différents niveaux (débutants, avancés) dans les classes de l’Ecole ; ils apprennent le Grec avec ardeur et quand ils progressent dans leur apprentissage, ils étudient la littérature grecque avec une passion que pourraient leur envier les Grecs eux-mêmes. Ces élèves sont soit des ressortissants Français ayant des racines grecques, qui désirent connaître la langue de leurs ancêtres (ils me disent de façon significative qu’ils aspirent au fond d’eux-mêmes à connaître tout ce qui est grec) soit des citoyens Français qui admirent la Grèce  et consacrent leur temps précieux à assister à nos leçons. Ils constatent qu’un grand nombre de mots de leur propre langue ont une racine grecque ce qui prouve le caractère unique de la langue grecque et sa pérennité. Une émotion particulière m’habite lorsque je vois des gens d’un âge respectable s’appliquer aux exercices comme de jeunes élèves, prendre des notes et même faire des dictées. Ces sentiments sont encore plus forts quand ils présentent des poèmes d’Elytis, Cavafy, Ritsos, Séféris, Palamas, Dimoula, Solomos, qu’ils essayent d’approfondir la pensée de l’auteur, d’analyser son art poétique et de réfléchir au travers des auteurs importants. En prose, la pensée de Kazantzakis les impressionne, comme la religiosité de Papadiamandis, le témoignage expressif de Vénézis, l’authenticité de Fotis Kontoglou, le réalisme de Karagatsis, la simplicité railleuse de Samarakis, la franchise de Makriyannis, les romans de mœurs de Karkavitsas, la pérennité des chansons démotiques et la richesse d’Erotocritos. Ils participent aux fêtes de l’Ecole, récitent des poèmes avec une théâtralité bouleversante qui constitue un  exemple à imiter même pour nos élèves les plus jeunes, car tout le monde est touché par leur attachement à apprendre  le Grec ; la participation de la section des élèves débutants à la fête du 25 mars en fournit un beau témoignage quand ils ont récité des passages du « Chant de guerre » de Rigas, nous surprenant agréablement par la netteté de leur parole.

La langue grecque est la seule dont il existe des traces écrites depuis le deuxième millénaire av. J-C à nos jours, ce qui lui donne une perspective historique incomparable et une richesse lexicale sans égale. Les propos de F.Bacon  sur la façon dont les témoignages écrits ont pu et peuvent vaincre le temps mieux que les témoignages de la force et du pouvoir nous le démontrent. Ceci alourdit assurément davantage la charge des enseignants aux quatre coins du monde pour que la langue grecque conserve son dynamisme grâce à une utilisation de bon aloi et un enseignement scrupuleux.

Puissent les paroles d’Odysséas Elytis nous aider dans notre tâche :

« Ma langue, mon unique souci sur les grèves d’Homère,
« Ma  langue, mon unique souci, avant toute chose Gloire à Toi,
« Ma langue, mon unique souci, pour les premiers mots de l’Hymne. »

Ecole Grecque Nice-Côte d’Azur-Monaco